Ma vie sans psy

Il m'a fallu quelques jours pour me remettre de cette fameuse journée d'anniversaire, avec une bonne nouvelle : non, je n'ai pas craqué ! (pour l'instant, c'est même tout le contraire...).
Donc mardi matin, Chéridamour m'a fait une incroyable surprise (ça, c'était peut-être le plus beau cadeau !!) : il a arrêté mon réveil sans me le dire.
Quand j'ai réalisé l'heure qu'il était (Mon Dieu, 9h30, qu'est-ce-que-j'ai-foutu???), il avait déjà appelé MaBoite pour dire que j'étais malade. Avec certificat médical d'un de ses copains à l'appui (je le jure Dr Didier, je ne dirai jamais ton nom !) pour un arrêt de 2 jours pour léger surmenage. Un coup parfaitement monté. Nico était parti à l'école avec notre fidèle Elodie (dont j'ignorais qu'elle pouvait se lever avant 10h...).
Il m'a offert de la LIBERTE.
Enfin, c'est ce que je croyais, car en vrai, il avait tout prévu.
Bienvenue dans la 4° dimension...
Après un somptueux petit déjeuner au lit (brioche+Nutella+pain au chocolat, ça fait combien en calories ??), en regardant Télématin (on a les plaisirs simples qu'on peut...), direction ma salle de bains pour prendre TOUT LE TEMPS QUE JE VOULAIS. Disons 30 mn au lieu des 2mn 45 habituelles (souvent décomposées en 1mn devant ma glace, et le reste devant le miroir de l'ascenseur, la vitre du métro...).
Vers 11h, un taxi m'attendait (oui, vous avez bien lu UN TAXI) pour m'emmener dans un lieu nirvanesque dont je tairai le nom par pudeur et discrétion. Là, une charmante jeune femme m'a enveloppée d'un peignoir moelleux et -disons le tout net - télécommandée avec douceur toute la journée. Hammam, sauna, piscine, gommage, massage, bain d'argile, affusions, salade tonique, thé à la menthe, salle de repos... j'étais d'accord avec tout ce qu'elle me proposait. Enfin une qui sait me parler !
Passage entre les mains d'une coiffeuse tout aussi charmante, qui a bien essayé - malgré mes dénégations- de me faire la tête de Farah Fawcett, et mon Prince Charmant (ne lésinons pas !) est revenu me chercher lui-même vers 17h (c'est quoi cette journée raccourcie ?).
Bon, je passe sur le retour à la maison, où j'étais censée prendre mon temps pour me changer avant d'aller au restau (disons que cet intermède est classé X...). Croyez-le si vous voulez, j'ai réussi à rentrer dans ma robe préférée, malgré le Nutella et la brioche (sûrement l'effet antidote de la salade...). Chéridamour s'était lui aussi mis sur son 31. Nico était gardé par Elodie (à moins que ce ne soit le contraire, avec elle on ne sait jamais très bien).
Et finalement nous voilà partis vers une destination inconnue, carrément à l'autre bout de chez nous. En arrivant à la Gare de Lyon, j'ai eu un frémissement : allions-nous embarquer vers une destination pittoresque (à ce stade, plus rien ne m'étonnait) ? Non, mais point de déception, car nous avons dîné dans mon lieu mythique rêvé : le Train Bleu. Oui, c'est un restau de gare, mais quelle classe! Et je vous mets au défi d'y aller sans vous sentir l'âme de Nikita. Bon, jai résisté à la tentation de dégommer tout le monde avec mon gun, et ai profité de toutes les douceurs possibles, y compris les profiteroles au chocolat (oui, vous avez bien lu, il y a deux fois le mot chocolat dans cette note...).
Retour aux chandelles, chabada-bada... Un vrai bonheur...
Ah, j'oubliais mon cadeau. Pas de sac de frimeuse, mais une montre Ice Watch turquoise. De quoi ne plus jamais être en retard. Mais qu'importe, l'essentiel de cette journée est impalpable - mais ô combien délicieux.
Car si vous avez bien compté, deux jours d'arrêt = une fin de semaine de tireuse au flan. J'ai un peu honte, et ce matin au boulot, j'affichais une mine grise pour justifier ce gros coup de fatigue. Pas sûre que mes charmantes collègues ne s'y soit trompé...
Finalement, j'ai décidé que je voulais avoir 35 ans tous les jours, toute la vie. C'est vraiment trop chouette !

Ca se bouscule un peu ces derniers jours : pas une minute à moi (pour changer...).
Donc la semaine dernière, j'ai décidé de poser un RTT pour écumer les Galeries Lafayettes, à la quête d'un cadeau digne de mon trentecinquième anniversaire (demain !). Chéridamour m'a (presque) donné carte blanche : ce qui me plaira lui plaira. Il faut marquer le coup, que diable !
Aux Galeries, mon étage préféré, c'est le rez-de-chaussée : parfumerie, produits de beauté et surtout SACS A MAINS (un sac, plusieurs mains-ou le contraire ?).
Devant moi, l'Eden : toutes les marques que j'aime. TOUTES. Miam !
Et j'avance fièrement en toisant les vendeuses, bien décidée à jouer ma L'Oréal Girl : je le VAUX BIEN !!
Bon, rapidement je délaisse mes marques star préférées (Marc Jacobs, Chloé, Prada...). Je n'ai aucune envie que Chéridamour finisse au trou, pas plus qu'il ne plombe notre PEL pour 10 ans.
Donc je me rabats sur ce que j'estime être des marques accessibles, bankables pour les économies d'un couple de banlieusards avec un enfant (L****L, L*******P). Et je frémis d'autant : le moindre cabas en cuir est autour de 500 €.
Une petite voix en moi fait un calcul rapide. Je le vaux bien - certes - mais est-ce bien raisonnable ?
Aurais-je vraiment bonne conscience de me balader avec l'équivalent du RSA au bout du bras ?
Je suis repartie toute dépitée - et avec toujours pas d'idée. Je croise les doigts pour que mon chéri fasse preuve d'imagination.
Suite au prochain épisode (quel suspens!!).

Toutes ces petites phrases qui font que j'adoooore être une fille :
- T'a pas maigri ?
- Ca te va bien cette nouvelle couleur !
- Tu va où pour te faire faire le maillot ?
- Quel connard ce Jérome !
- Quelqu'un sait où trouver des New Balance mauve ?
- Claudia Schiffer, elle a de la cellulite.
- Ma mère me gonfle...
- J'hésite entre une besace et un sac bowling
- Je crois que j'ai trois jours de retard.
- De toute façon, je le rappellerai pas...
- La burqua ne passera pas par moi
- Avec Jean-Michel, on a décidé de faire une pause.
- T'es à moins combien ?
- Dingue, ils font des promos chez Zadig & Voltaire !
- Le nouveau stagiaire, je le trouve hyper mignon !
- Je te jure que Bar Rafaeli a les mêmes.
- Finalement le nude, ça te donne mauvaise mine...
- L'horloge biologique, elle se déglingue à partir de quand ?
- Tu devineras jamais ce que Christophe m'a proposé...
- Incroyable, j'ai exactement la même veste que toi, en rose et plus longue !

Argghh... J’ai cru défaillir devant la gondole de mon supermarché. Ils ont ressorti les Toffifee, LES bonbons caramel de mon enfance! A peine croyable, direct from les années 80 : même boîte, mes couleurs... Ont-ils le même goût ?
Voilà une mission bonne humeur pour Abby !
Vérifications faites : ce sont exactement les mêmes. EXACTEMENT. Une tuerie.
La meilleure façon de les déguster : placer le côté bombé contre le palais (donc la pastille au chocolat sur la langue) et attendre. Le miracle se produit de lui-même : une cascade de chocolat mêlée au caramel avec en prime, quand on a été très patient, la noisette. Croquante à souhait. Même pas changée.

Donc, ma résolution de la semaine c’est : une boîte de Toffifee dans le tiroir de mon bureau, une autre dans le placard de la cuisine, et encore une autre dans la boîte à gants de ma voiture.
Heures délicieuses en perspective...

- Mamour, t'as racheté du dentifrice ?
- Maman, tu peux m'aider à mettre mon sweat ?
- Madame, vous marchez sur mon pied !
- Elisabeth, le rapport sur les prises de marché, c'est pour quand ?
- Allo Abby, tu crois que je dois partir en week-end avec Jérome ?
- Elisabeth, tu sais où est rangé le toner de la photocopieuse ?
- Ab, fais-moi penser à ne jamais rappeler ce salopard de Jérome...
- Elisabeth, ce rapport c'est pour aujourd'hui ou c'est pour demain ??
- Ma biche, tu peux rappeler Elodie, elle n'est pas sûre de pouvoir aller chercher Nico à l'école ?
- Madame G., vous passerez à la DRH, il y a un problème à vérifier.
- Abby, t'as cinq minutes ? Tu ne devineras jamais ce qui m'est arrivé...
- Allo ma grande, est-ce que tu peux m'emmener chez le docteur demain ?
- Elisabeth, c'est toi qui a oublié de re-commander du toner ?
- "Madame, votre fils est insupportable en classe. Merci de prendre contact avec moi au plus vite."
- Chérie, tu t'endors à table !Tu ne crois pas que tu en fais trop ?

Donc il faut que j'admette que j'ai tout pour être heureuse. C'est vrai, depuis mes 18 ans et mon bac en poche, j'ai coché toutes les cases : diplôme reconnu, boulot assez bien payé, responsabilités valorisantes, compagnon aimant, enfant adoré, appartement à crédit, voiture à crédit, vacances au bord de la mer... De quoi je me plains?
Pourtant, à 3h du matin, c'est souvent les mêmes questions qui tournent de plus en plus dans ma tête :
- mon travail a-t-il un sens ?
- suis-je encore amoureuse ?
- ai-je envie d'un deuxième enfant ?
- pourra-t-on toujours payer les traites ?
- suis-je fidèle à mes idéaux ?
- est-ce que j'aimerais vivre à la campagne ?
- vais-je vieillir ? (et si oui, comment ?)
- aurais-je un jour une maladie grave ?
- MaBoîte va-t-elle fermer ?
- l'AFSSA va-t-elle interdire les Bounty ?
- la planète va-t-elle tenir le coup jusqu'à ce que mon fils ait au moins 120 ans ?
- ne suis-je pas en train de passer à côté de ma vie ?
- aurais-je un jour des Christian Louboutin ?

Ségo, je l'adoooore !
Face à l'adversité, contre vents et marées - et même contre Xynthia, Ségo, c'est l'exemple à suivre pour faire face à à peu près toutes les situations avec fierté... A copier, imiter, dupliquer...
- Ton mec te trompe ? Annonce partout que c'est toi qui le jette.
- Ta copine t'a piqué ta promo ? A la première occasion, arrive habillée dix fois plus jolie qu'elle et fais-la passer pour un tromblon.
- Tes collègues te pompent tes idées ? Débarque dans leur réunion et fais comme si c'est toi qui avais tout organisé.
- Les autres te méprisent ? Marche le nez en l'air, ça t'évite de les voir.
- Une baisse de moral ? Une écharpe rose.
- Une perte de popularité ? Une veste blanche.
N'oublie jamais de ponctuer toutes tes interventions d'adjectifs dithyrambiques, voire improbables.
Rajeunis un peu plus à chaque saison.
Et surtout (SURTOUT) souris en toutes occasions.
La classe royale !

- Maman, j'ai pas eu mes Chocopops !
- J'arrive mon amour...
- Maman !! J'ai renversé mon bol.
- Pas grave mon chéri, Maman ramasse. Va te brosser les dents.
- Maman ! La brosse elle est tombée dans la litière du chat...
- (soupir) Laisse-la mon coeur, va t'habiller.
- Maman, maman, maman, maman...
- Quoi, quoi, quoi, quoi ??
- Trouve pas mon slip...
- Fils de ton père ! Regarde dans le tiroir de la commode.
- Maaaaman, aaaaaaaaaaaaaahh ! (pleurs)
- (cavalcade à travers l'appartement) Qu'est ce que tu as !?
- (sanglots) Me suis pincé le doigt dans le tiroir...
- (soupir de soulagement) Pauvre amour, viens Maman te soigne.
- Maman : câlin ?
- (trémolos) Bien sûr mon chéri!
- Maman, je peux regarder la télé ?
- OK, juste un quart d'heure. Après, on va au square.
- Nan, je veux pas aller au square !
- (ton ferme) Si, on y va maintenant
- T'es méchante, Papa il est gentil, il me laisse regarder la télé toute la journée
- (ton agacé) M'en fout (zut...). On va au square !
- Maman, tu joues au foot avec moi ?
- Euh, non, je lis. Joue avec le gentil petit garçon.
- Maman, il m'a poussé!!
- (lassitude) OK, on rentre !
- Maman, tu joues aux 7 familles ?
- Pas maintenant, je mets une lessive.
- Mamaaaaaan!!
- Quoooooooi ?
- Quand tu vas jouer ?
- (voix caverneuse, sortant de la machine à laver) Plus tard.
- Quand plus tard ?
- (silence)
- Papa, tu joues avec moi aux 7 familles ?
- Ouh la la, Papa est fatigué. Il rentre de son travail, lui.
- Maman, tu me lis une histoire avant de m'endormir ?
- Bien sûr mon coeur...
- Eh Maman, tu dors ?

A la naissance de Nico, j'ai fait le choix de la plupart des mères sensées (et un tout petit peu culpabilisées) : j'ai demandé mon mercredi. Demandé...disons plutôt quémandé, supplié, arraché de haute lutte. Avec pour contrepartie - 150 points dans la considération de mon chef, la consternation de ma DRH qui a bloqué mon avancement pour dix bonnes années, et la réduction proportionnelle de mon salaire. Réduction totalement inexplicable puisque je continue à travailler autant, mais sur moins de jours... Comme c'était déjà un peu juste, j'ai décidé de me passer du coiffeur jusqu'à nouvel ordre-c'est à dire environ jusqu'aux 16 ans de Nico.
Forte de cette conquête dans ma vie de femme (m'occuper VRAIMENT de mon petit garçon), j'ai attaqué les premières semaines pleine de convictions : déjeuner exclusivement à base de légumes cuisinés par moi-même, activités d'éveil (motricité, puis bien vite pâte à modeler, pâte à sel, gouaches en tous genres), longues balades mère-fils au coucher du soleil... Il ne manquait que les violons.
Aujourd'hui, c'est Ushuaïa. Nico a 6 ans, et la journée s'étend dans une longue succession de déplacements en tous genres (orthophoniste, dentiste, magasin de chaussures...), avec concessions permanentes sur mes principes les plus ancrés : déjeuner fait de coquillettes ou purée Mousseline-jambon, quand ça n'est pas carrément une halte au Mc Do (avec, en prime, tous les autres moutards qui hurlent ou se tirent dessus avec le pistolet Bob l'Eponge de leur Happy meal), longues heures passées devant la télévision (je sais, je suis une mauvaise mère !), queue interminable au supermarché, avec un petit garçon qui réclame pour la vingt-cinuième fois des chewing-gums, et à qui je finis par mettre une fessée d'énervement (au secours, la DDASS me guette !!).
Bref, je finis la journée sur les rotules, totalement épuisée, rongée de remords, en prenant tout un tas de résolutions pour la semaine suivante. Qui tiennent rarement...
Et le plus énervant, c'est quand le lendemain je m'installe à mon bureau, et qu'une aimable collègue passe la tête en lâchant, d'un air narquois : "Tu ne dois pas être trop fatiguée toi au moins. Tu as de la chance de ne pas travailler le mercredi..."

Je réalise que dans un mois pile, j'aurai 35 ans.
Je vais la faire ou pas, cette crise de la trentecinquaine ?
Ma tante Martine a quitté son mari à ce moment là, ma mère a prétendu pendant un an qu'elle allait retravailler (je m'en souviens, c'était juste pour mon entrée en 6ème, ça tombait bien !), ma copine Flo a claqué la porte de sa boîte, Virginie (une ex-copine de fac) a enfin perdu les 25 kg qui la complexait depuis toujours, mon autre copine Mélanie a pris un amant, Véronique a fait un enfant, ma cousine Sylvie a repris des études, ma voisine Sabine a déménagé en province...

Et moi, qu'est-ce qu'il va m'arriver ? (J'attends, mais bon, je vois rien venir de particulier : suis-je normale ??).